De la nécessité de se souvenir: La transcription des souvenirs dans la littérature

26/10/2022

 Un souvenir, c'est la survenue d'un évènement, une expérience, une impression, une sensation ou une idée provenant du passé. Malgré nos différences culturelles, religieuses ou encore sociales, nous avons tous des souvenirs. Certains d'entre eux, sont agréables, d'autres désagréables, mais ils sont là, présents quelque part dans notre tête surgissant parfois à un moment précis de notre présent.

À travers la littérature, les écrivains nous en partageaient leurs souvenirs et leur impact qu'il y a eu dans leur vie et sur leur personne.

Dans cet article, nous aborderons l'impact des souvenirs dans nos vies à travers la littérature et leurs nécessités.

Quand le souvenir nous lie aux autres

Depuis notre tendre enfance, on a l'habitude d'être entouré, d'abord par notre famille, puis nos amies et de nouvelles personnes qui vont rentrer tout au long de notre vie comme par exemple nos professeurs des écoles. Ainsi, dès notre plus jeune âge, notre cerveau stock des images des personnes qui ont eu un impact important dans notre enfance, dans notre passé. Les personnes qui partagent des souvenirs avec nous, ont un effet dans notre vie émotionnelle, en effet, on nourrit une attache spéciale qu'on a avec eux. Les souvenirs sont liés à une charge émotionnelle donnée.

Dans Les souvenirs de D. Foekinos, le narrateur nous partage ses souvenirs avec ses grands-parents qui ont une place importante dans sa vie, car ils ont comblé le manque affectif de ses parents. Se souvenir des gens qu'on aime et qu'on a aimé sont une consolation. Les souvenirs sont des éléments qui appartiennent au passé mais que nous pouvant reconstituer autant de fois qu'on veut :

« Les souvenirs sont une espèce de point d'arrivée ; et peut-être sont-ils aussi la seule chose qui nous appartient vraiment. »

Les souvenirs nous invitent donc à la méditation sur nos relations sociales, afin de mieux vivre l'instant présent.

Une enfance éphémère

Nos souvenirs constituent une part de notre identité, de notre personnalité et notre rapport au monde. Ces éléments commencent à se développer dès l'enfance. La présence maternelle contribue à ce développement et le forge. On retrouve dans Le livre de ma Mère d'Albert Cohen, un hommage que l'auteur rend à sa mère qui a été une personne importante dans sa vie. Il évoque les souvenirs qu'il a d'elle comme par exemple, les moments de bonheur qu'ils ont vécu ensemble. On sent également un sentiment de culpabilité à cause de son absence lors de sa mort. Albert Cohen met en avant le lien entre son enfance et sa mère :

« Pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance. L'homme veut son enfance, veut la ravoir, et s'il aime davantage sa mère à mesure qu'il avance en âge, c'est parce que sa mère, c'est son enfance ».

En rendant un hommage à sa mère, l'auteur se met à se souvenir des moments passés avec elle et il se rend compte qu'à présent, il a seulement ses souvenirs pour la rendre encore présente dans sa vie malgré son absence. En effet, le souvenir est une trace de notre vie passée, du temps qui s'écoule :

« O Maman, ma jeunesse perdue. Complaintes, appels de ma jeunesse sur l'autre rive.»

Quand le souvenir devient le seul héritage

Dans un autre cas, le souvenir retrace un moment d'une vie passée qui ne reviendrait pas et le souvenir devient le seul héritage qu'on a. En réalité, qu'on a perdu un proche, un membre d'une famille ou personne qui nous tient à cœur, son souvenir est le seul élément qui nous reste d'elle. Dans W ou le souvenir de l'enfance, un roman de Georges Perec qui parle de son enfance, et en particulier de ses parents qui les a perdus très jeune et le souvenir reste la seule trace d'eux :

« J'écris : j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps ; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir est mort à l'écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie. »

Dans cette perspective, le souvenir devient un héritage familial, qui nous relie à nos origines, à notre histoire passée. Cependant, le souvenir est aussi une preuve d'une vie passée qui ne reviendrait pas, ainsi, se souvenir nous permet de ne pas briser l'histoire d'une origine. Cependant, on ne peut pas vivre dans le passé, ces mémoires restent témoins d'un vécu lointain :

« Les souvenirs sont des morceaux de vie arrachés au vide. Nulle amarre. Rien ne les ancre, rien ne les fixe. Presque rien ne les entérine. Nulle chronologie sinon celle que j'ai, au fil du temps, arbitrairement reconstituée : du temps passait ».

Toute une vie

Doris, personnage principal dans Un petit carnet rouge de Sofia Lundberg, raconte ses souvenirs qui représentent pour elle toute sa vie. C'est une trace de son vivant, de son existence sur terre. Elle raconte son vécu, dans une famille séparée et désunie qui peine à renouer avec ses mémoires qu'elle a d'eux. Parfois, les souvenirs deviennent difficiles à ressentir et à les accepter, et qui, seul le temps devient une guérison :

« J'ai peine à l'avouer, mais avec le temps, on finit par oublier. Ce n'est pas que le souvenir des gens s'efface. Ce n'est pas qu'ils ne comptent plus. Mais la panique et l'angoisse ressenties au moment de la séparation se transforment en un sentiment plus neutre et plus supportable »

Les souvenirs des gens qui ont marqué notre existence, restent intacts avec les émotions qui vont avec eux. Le souvenir est cette capacité à entretenir une relation dans un passé qu'on a vécu à deux :

«Le souvenir d'Allan ne s'est jamais altéré, lui, pas du tout. Je ne l'ai jamais oublié. La douleur s'est estompée, mais pas l'amour. C'était un amour absolu »

Cependant, certaines mémoires ne s'effacent pas, malgré le temps, ils ont un impact émotionnel sur nous et dans ce cas, seul l'acceptation nous permet de tourner la page :

« Mais il y a des souvenirs dont on ne se débarrasse jamais. Ils restent là comme des furoncles récidivants. Parfois ils éclatent et ça fait un mal de chien »

Se souvenir à tout prix

Les pages de notre Amour de Nicholas Sparks, retrace l'histoire d'un couple uni même face à la maladie. Allie, une femme âgée, est atteinte de la maladie Alzheimer, plus le temps passe plus ses souvenirs deviennent flous et quasi inexistants. Son mari Noha décide de lui lire tous les jours leur histoire, leur rencontre, leurs souvenirs. La nécessité de se souvenir est primordiale dans la vie de l'individu, elle fait partie de lui. Qu'est-ce qu'on est si on ne se souvient pas ? Le souvenir nous maintient vivants, il est à l'origine de la vie :

« Elles ne reconnaissent que rarement le personnel ou les gens qui les aiment. C'est une maladie éprouvante et c'est pourquoi il est si pénible pour leurs enfants et pour les miens de venir nous voir. »

« Je ne veux pas vous oublier, ni cette journée, et j'essaie de maintenir votre souvenir vivant. »

Ainsi, maintenir ses mémoires en vie, c'est se maintenir en vie. Ils ont cette capacité à nous relier à notre entourage, à notre environnement, au monde. La transcription des souvenirs dans la littérature nous montre à quel point le passé joue un rôle important dans nos choix de tous les jours. La nostalgie nous permet de lier notre vie passée à notre vie présente et ainsi, écrire une nouvelle page d'un futur proche.

Chahrazad Melouka

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