Entretien avec Ségolène et Kwes de la galerie Rêve Lucide

27/05/2024

Entretien réalisé à l'oral par Chahrazad Melouka

Cet entretien a été une occasion enrichissante de rencontrer Ségolène, assistante d'artiste de Juan Spray et responsable administrative (galeriste) de la galerie, ainsi que Kwes, co-fondateur de la galerie Rêve Lucide. L'objectif était double : présenter le street art et explorer le parcours artistique de Juan Spray à travers son exposition TURFURAMA.

L'entretien s'est déroulé en deux parties distinctes : tout d'abord avec Ségolène, qui a présenté la galerie ainsi que l'expression de Juan Spray, puis avec Kwes où j'ai pu approfondir ma compréhension du mouvement artistique du street art.

Première partie de l'entretien avec Ségolène 

  1. Pouvez-vous présenter la galerie Rêve Lucide ?

Moi, c'est Ségolène, j'ai rencontré Juan en 2019 et elle a commencé à bosser avec lui en tant qu' assistante. Puis Kwes, nous a rejoint, mais notre atelier devenait petit (à Léo Lagrange). La galerie Rêve Lucide c'est avant tout une association créée par Juan Spray et Kwes.

Donc, la galerie est née de cette volonté de trouver un atelier plus grand pour pouvoir produire plus. Donc, on a commencé à chercher un bâtiment et on est tombé sur ce bâtiment, 18 rue des Majots. Et donc on s'était dit que c'était un peu grand pour faire que un atelier d'artiste du coup on a dédié l'étage à l'atelier et le rez-de-chaussée à une galerie. Finalement, on a eu le lieu en avril 2022, et on a ouvert le lieu en septembre 2022. On a commencé avec un partenariat avec la ville pour l'exposition Un notre regard pour la deuxième édition du festival IC.ON.IC, où on exposait des artistes qui avaient déjà participé ou participé au festival. Puis, on a commencé notre propre programmation en 2023 avec les artistes locaux et nationaux. En 2023, on a fait sept expositions.

2.           Quels sont les objectifs de la galerie ?

L'association a pour objectif de démocratiser le street art et le graffiti pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Pour ça, Juan Spray et Kwes proposent des ateliers d'initiation au street art pour mettre en avant cette méthode artistique et les artistes dont les graffeurs locaux.

Concernant, l'initiation au graffiti, on travaille beaucoup avec des écoles et les classes, où on fait des initiations aux graffitis et après, généralement, on fait des fresques participatives dans les écoles. Très souvent, ça plait beaucoup et ça permet de créer des liens et de redorer un peu les murs.

3.          Quels sont les différents projets proposés par Rêve Lucide ?

On a aussi ouvert un podcast 20 000 lieues sous les murs où on interviewe les artistes qu'on expose et on discute de leur parcours.

L'association a aussi un axe socio-culturel, notamment par le projet « artères » pour créer des parcours dans les quartiers populaires, donc « artères » qui symbolisent l'art comme la source vers le cœur. Le projet a déjà débuté, actuellement, on a créé des fresques avec les habitants et les associations locales (Amiens Nord et Amiens Sud). L'objectif est de remettre en valeur le street dans ces quartiers populaires.

4.         Qui sont les différents artistes qui sont exposés au sein de la galerie ?

On propose des expositions assez régulièrement, si ce n'est pas tous les mois, c'est à peu près tous les deux mois. La première année, on a essayé de faire tous les mois, maintenant, on fait à peu près tous les deux mois, on présente des artistes locaux et internationaux. On essaye de varier la pratique artistique, mais il faut que les artistes correspondent à la direction artistique de la galerie et que ça plaise à tous. On est une galerie d'exposition, mais toutes les œuvres exposées sont en vente, même si on ne se définit pas comme une galerie marchande à part entière.

L'année dernière, nous avons eu le plaisir d'exposer une série d'artistes à la galerie. Nous avons commencé par mettre en avant Golf Cache Misère, un artiste originaire de Beauvais. Ensuite , nous avons présenté les créations de Kofoh et de Xkuz, un artiste originaire de Creil qui fusionne le street art avec le minimalisme. Nous avons également partagé les œuvres de 2flui & Homek, et K.yoo dont le travail reflète la nature et le bien-être. Enfin, nous avons exposé les pièces d' Azaeltreize et de Kzed.

5.        Qui est Juan Spray ? Pouvez-vous nous décrire son style artistique ?

Avant de s'appeler Juan Spray, il s'appelait SIBRAH et s'inspirait de la culture pop dans un style d'illustration. Il faisait du collage et du pochoir, mais aujourd'hui, ce qu'il garde de sa technique, c'est le pochoir. L'exposition actuelle, TURFURAMA, c'est sa dernière exposition amiénoise, une page qui se tourne de son parcours artistique. Il a déjà beaucoup travaillé à Amiens et il veut s'engager dans d'autres projets. L'exposition est donc le reflet passé de ce qu'il a fait et une projection future, donc TURFU pour futur et RAMA pour tout ce qu'il veut faire plus tard.

Il a écrit un livre pour enfant, c'est le premier conte qui parle de street art pour enfant, c'est Les contes de Spray Love Island, auto-publié. Il explique dans son univers, avec les sprayitos, des personnages qu'il a créé et qui découvrent les différents styles de graphes. Normalement, le deuxième tome 2 devrait sortir fin juin. (fin de l'été)

Il a créé ce personnage sprayito, c'est un bonhomme mi bombe peinture, mi lutin et il a tourné toute sa mythologie et son univers autour de ce personnage. Pendant plusieurs années, c'était que celui-ci qui apparaissait constamment. Il s'est inspiré de toutes ses influences artistiques pop art et animation pour créer son personnage. Là, il fait tout au pochoir, c'est une technique qu'il apprécie et il vient dans certaines œuvres rehausser à la main (pastel, pinceau, rouleau). Cette toile là c'est Be your own hero et celle-là c'est Hakugaki, ces deux œuvres reprennent les couvertures de comics qu'il mélange avec son style. 

Tout ce qu'il dessine sur ordinateur, il le croque sur cahier. Il construit son personnage à la main, puis il le prend en photo, puis il le redessine sur tablette pour le numériser. Il joue sur plusieurs supports, il n'utilise pas que les toiles, à la base, c'est un grapheur qui peint dans la rue.

6.        Quelles sont les valeurs qui se dégagent à travers ses personnages ?

Il a des valeurs très positives, mise à part NO WAR, un peu triste mais qui prône des valeurs de paix, ses personnages révèlent l'enfant qui sommeille en nous. Quand on devient adulte, tout devient compliqué, il essaye donc de garder cette âme d'enfant dans ses productions artistiques. 

7.           Pouvez- vous nous citer une collaboration que Juan Spray a fait avec d'autres artistes ?

Il s'est lancé dans la sculpture où il a travaillé avec l'artiste BÂTON, sculpteur amiénois. Il avait sculpté des minis personnages en bois, puis il les a peints pour leur redonner vie. Donc ça, c'était il y a deux ans. La sculpture lui a permis de donner vie aux personnages.

Deuxième partie de l'entretien avec Kwes :

8.         Qu'est-ce que l'art Urbain ?

L'art urbain, ce sont des gens qui s'approprient l'espace urbain pour exprimer leur créativité. C'est une manière de s'approprier la rue avec plusieurs courants de pensées. Le fait de s'autoriser ce droit, ça n'embête pas forcément parce que ce n'est pas dans des bâtiments privés, mais souvent sur des bâtiments abandonnés. Après, ça pose aussi la question de l'appréciation personnelle.

9.         Est-ce que le street art peut avoir des revendications personnelles ?

Oui, mais pas tout le temps. Il y a autant d'idées que de personnes. Après, les gens ont leur propre interprétation. Une fois que c'est peint dans la rue, le dessin ne t'appartient plus. La peinture est offerte aux gens qui passent, ce qui est offert aux gens c'est leur appréciation , l'interprétation, le ressenti, tout ça, c'est propre aux gens qui vont passer devant. Du coup, le côté revendicatif, c'est la même chose. Ce que je veux dire c'est que tu as beau revendiquer des choses, il y aura autant de lectures que de gens qui passent.

10.       Est-ce qu'il n'y a pas cette frustration de l'artiste qui voit un jour son travail disparaitre, est-ce que d'art abstrait est une spécificité du street art ?

Je pense qu'il ne faut pas être catégorique, les œuvres dans la rue sont vouées à disparaitre parce que les artistes les font avant tout pour le plaisir de le faire et non pour le préserver. C'est bien comme question, parce que ça fait rappeler aux gens qu'il y a une notion d'éphémère à tout. Du coté frustration, oui, c'est frustrant, l'humain est frustré de base. Dans le street art, une fois que tu as fait ta peinture, tu fais une croix sur ton travail, il n'est plus à toi. C'est de l'art éphémère, toute une logique d'une vie dans une peinture.

11.       Pourquoi Rêve Lucide, y-a-t-il une signification particulière à cette nomenclature ?

Dans les idées qu'on a eu, on en a eu beaucoup en rêvant. Avec Juan, on s'appelait le matin et on parlait des idées qu'on a eu dans nos rêves. Puis après, rêve lucide c'est un rêve où tu as conscience que tu es en train de rêver donc voilà pour l'embêter (en parlant de Juan) parfois je lui dis : ça se trouve tu es train de rêver là. On était à fond sur cette idée et comme nos rêves régissent un peu notre réalité on a choisi ce nom. 

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