La précarité menstruelle, un enjeu de santé publique ?

25/01/2023

La précarité menstruelle est un enjeu majeur de solidarité, mais surtout de santé publique. En France, elle concerne environ 2 millions de femmes qui se trouvent dans la difficulté ou dans l'impossibilité de se procurer des protections hygiéniques à cause d'un premier temps de la difficulté financière.

C'est une précarité qui a pour conséquence de nombreux freins à la qualité de vie des femmes dont le risque de la déscolarisation, frein à l'insertion professionnelle et c'est un facteur de risque pour la santé en cas de renouvellement insuffisant des protections.

Une analyse générale

La menstruation est un phénomène physiologique qui concerne le sexe féminin. La menstruation se définit par l'évacuation de sang par l'utérus suite à l'élimination de la muqueuse utérine. C'est un processus mensuel à durée variable, naturel et sain chez toute personne ayant un utérus et en étant en âge de procréer. Actuellement, on estime environ 500 millions de femmes et de filles qui n'auraient pas les moyens de se procurer régulièrement des protections hygiéniques.

Des experts de l'ONU qui ont eu l'opportunité de travailler sur la précarité menstruelle déclarent :

« Le manque de prise en compte des besoins de santé des femmes et des filles en matière de menstruation dans les établissements scolaires et sur les lieux de travail a un impact sur la fréquentation scolaire et professionnelle, et donc sur leur progrès économique. »

La santé physique et psychique affectées par la précarité menstruelle

La précarité menstruelle amène l'utilisation de protection non adaptée comme des serviettes à base de papier toilette, d'essuie-tout ou de chaussettes. Ces protections créées avec du matériel non-hygiénique peuvent endommager le maintien d'une bonne santé vaginale. Dans le cas où ils seraient en contact direct avec les muqueuses, elles peuvent provoquer des démangeaisons, des infections ou un le syndrome du choc toxique (SCT) causant une libération de toxine bactérienne dans le sang si les protections sont gardées trop longtemps. En effet, d'après l'étude de l'ANSES, la régularité de changement de protection et une bonne hygiène sont étroitement liées :

« Le risque de développer la maladie augmente avec une utilisation prolongée d'une protection interne et/ou l'utilisation d'une protection d'une capacité d'absorption plus forte que nécessaire. »

Le manque de moyens peut se présenter également par un absentéisme scolaire ou professionnel. Ainsi, par leurs nécessités et leurs impacts, les moyens de protections hygiéniques doivent être considérés comme des produits de première nécessité !

Les menstruations provoquent également des douleurs parfois intenses qui nécessitent des médicaments ou des traitements adaptés. Malheureusement, nombreuses sont celles qui n'ont pas la capacité de s'en procurer. Par exemple, l'endométriose qui est une maladie qui se définit par la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l'utérus, provoque des douleurs aiguës lors des règles, ainsi ça nécessite une prise en charge adaptée.

Même si la santé physique est directement touchée, la santé mentale est très vite touchée par l'incapacité de se protéger correctement et d'une prise en charge adaptée à la situation de chaque personne. En effet, les personnes souffrant de précarité menstruelle sont victimes d'une perte de confiance en soi, baisse d'estime et la difficulté de réinsertion. Tous ces sentiments participent à un affaiblissement du bien-être psychique

Et en France ? 

Actuellement trois quarts des Français et des Françaises pensent que la précarité menstruelle est un enjeu de santé publique. Depuis mai 2019 une proposition de loi a été déposée pour structurer une stratégie pour lutter contre la précarité menstruelle. En 2021, on estime que 21% des françaises ont été touchées par la précarité menstruelle. On considère qu'une protection périodique suffisante coûte entre 10€ et 15€ par mois soit 100€ à 150€ par an. Que ça soit les étudiantes, les personnes sans-abris, femmes au foyer ou personne vivante seule, en France la précarité menstruelle touche un large public.

Règles solidaires, un collectif futuriste ?

Lutter contre la précarité menstruelle qui touche les étudiant(e)s est l'objectif principal du collectif Règles solidaires. Initié par Dune Lemaire et Nathalie Lachambre, les deux co-coordinatrices à l'initiative du projet, leur objectif est de répondre aux besoins hygiéniques des étudiant(e)s pour une protection mensuelle et durable lors de la survenue des règles. Le collectif collabore avec Ozange.net, une entreprise d'insertion localisée à Amiens qui coud et confectionne des serviettes hygiéniques réutilisables en coton bio pour le projet Règles solidaires.

Le collectif a mis en place des distributions de kit de serviettes réutilisables dans la plupart des facs de l'UPJV. Dans chaque kit on retrouve :

  • Deux serviettes à absorption moyenne,
  • Une serviette à forte absorption.

Images:  Kit serviettes hygiéniques réutilisables distribuées par Règles Solidaires (Photos: Suzanne Tahte-Aslahé)

Même si le collectif s'adresse actuellement aux étudiant(e)s, leur innovation écologique et la composition saine des produits conçus sont à prendre en exemple afin de diffuser leur utilisation. Depuis la création du collectif, de nombreuses distributions ont été effectuées, et les retours des étudiantes sont encourageants.

Des protections hygiéniques gratuites ?

Face à la nécessité, il est urgent de rendre les protections hygiéniques gratuites et accessibles ! Ce n'est pas impossible, puisque aujourd'hui en Écosse les tampons et les serviettes hygiéniques sont gratuits pour toute personne qui se trouve dans le besoin. Cependant, la qualité des protections doit être assurée et la prise en charge lors des douleurs ou difficultés intenses lors de la survenue des règles doit être prise en compte.

Même si le sujet reste délicat, de plus en plus de pays sont sensibilisés face à la précarité menstruelle, le silence est levé, le travail est lancé et le progrès se met en place

Chahrazad Melouka

Sources

  • La santé menstruelle des femmes ne doit plus être un tabou, ONU info (5 mars 2019) :

https://news.un.org/fr/story/2019/03/1037901

  • Protections intimes : composition et choc toxique, toutes nos recommandations, ANSES, 25/05/2022 :

https://www.anses.fr/fr/content/protections-intimes-composition-et-choc-toxique-toutes-nos-recommandations

  • Règles solidaires

https://www.instagram.com/regles.solidaires/?hl=fr

  • Règles élémentaires

https://www.regleselementaires.com/

https://www.notes-de-coeur.fr