L'apprentissage fabuleux des contes

Les contes ne sont pas justes des histoires d'enfants, mais relèvent une morale profonde qui a pour but d'enseigner de manière pédagogique et subtile des valeurs universelles.

La structure d'un contre est bien déterminée avec une situation initiale, un évènement déclencheur, une succession de péripéties pour le personnage principal qui se poursuit par un dénouement et une situation finale pour terminer le conte.

Comment les contes participent-ils à l'éducation morale de l'individu ?

Dans cet article, nous analysons cinq contes pour apprécier des sagesses parfois méconnues. 

Un récit de transgression : Barbe Bleue, Perrault

« Ouvrez tout, allez, mais pour ce petit cabinet, je vous défends d'y entrer, et je vous le défends de telle sorte, que s'il vous arrive de l'ouvrir il n'y a rien que vous deviez attendre de ma colère. »

Une jeune femme belle et douce épouse un homme veuf qu'on nommait Barbe Bleue à cause de la couleur de sa barbe. Un jour, son mari part en voyage pour affaire laissant à son épouse des clés afin d'avoir accès à toutes les pièces de la maison mais elle ne devait pas ouvrir une porte bien précise. Après le départ de Barbe Bleue, sa curiosité prend le dessus et décide d'ouvrir la porte et découvre plusieurs cadavres de femmes qui ont été les épouses de son mari. En refermant la porte, une tache de sang s'infiltre sur la clé et devient impossible à enlever. En revenant de son voyage Barbe Bleue remarque que sa femme a désobéi et décide de la tuer. Délivré par le secours de ses frères la jeune épouse échappe de justesse à Barbe Bleue.

Ce conte n'a rien d'une histoire d'amour, et si on peut comprendre par cette histoire que la curiosité est un vilain défaut, on peut faire une analyse beaucoup plus profonde de cette histoire. Tout d'abord, par symbolisme Barbe Bleue n'a rien d'humain, c'est le temps. Dans le livre de Jacqueline Kelen Une robe de la couleur du temps, elle associe la Barbe Bleu au temps, ce qui nous offre une analyse inédite du conte. Le temps offre une abondance de possibilités, d'occasions, de ressources qui nous persuadent que la vie est devant soi mais l'être humain est loin de disposer et de maîtriser son temps, parce qu'en réalité, la mort est plus proche de lui qu'il le pense. En prenant comme époux Barbe Bleue qui l'a séduit par les biens matériels, la jeune femme se trahit elle-même. En effet, même si Barbe Bleue est loin d'être bon, elle a choisi de son plein gré de devenir son épouse afin de se noyer dans la richesse et dans le confort. Si à la fin du conte elle est sauvée, c'est parce qu'elle a pris conscience de la réalité qui l'entoure et qui est réellement Barbe Bleue.

La flexibilité humaine : Le vaillant petit Tailleur, Grimm

« Une licorne me fait encore moins peur que deux géants : « Sept d'un coup », c'est ma devise. »

Le contre relate l'histoire d'un tailleur qui se prépare à manger une tartine, mais elle attire les mouches, excédées par elles, il prend une étoffe et en tue sept d'entre elles d'un coup. Par la suite, il se fabrique une ceinture sur laquelle il brode les mots « sept d'un coup » pour se souvenir de son exploit. Cet évènement lui fait gagner confiance en lui et décide de partir découvrir le monde extérieur en prenant avec lui un fromage et un oiseau. La première rencontre du tailleur se fait avec un géant qui, en voyant sa ceinture comprend que « sept d'un coup » signifie qu'il a tué sept hommes d'un coup. Le géant décide de le mettre à l'épreuve. Le géant prend une pierre et la serre si fort qu'il en fait sortir de l'eau, il demande au tailleur de faire de même, ainsi, il sort de sa poche le fromage qu'il fait passer pour une pierre et le presse si fort jusqu'à le faire suinter. Le géant continu sa mise à l'épreuve en lançant une pierre loin dans les airs puis finit par tomber alors que le tailleur sort de sa poche l'oiseau qu'il fait passer pour une pierre qui ne retombe jamais.

Le tailleur sort de sa zone de confort et ses habitudes pour découvrir le monde extérieur. La première rencontre avec le géant montre son intelligence pratique qui lui permet de faire ce qu'il possède une force tout en restant optimiste.

Ensuite, le géant emmène ensuite le tailleur dans son antre, où vivent aussi d'autres géants. Vers minuit le géant essaye de tuer le tailleur, mais le lit était trop grand et le tailleur a préféré de dormir dans un recoin de la chambre. Le lendemain, en voyant le tailleur toujours en vie, les autres géants effrayés prennent la fuite. Malgré son intelligence et son esprit vif, le tailleur ne se surestime pas et reste vigilant en ayant conscience de ses limites.

Les exploits du tailleur parviennent aux oreilles du roi, qui le met à l'épreuve en lui demandant de tuer deux géants, tuer une licorne et capturer un sanglier en échange, il pourra épouser sa fille et avoir la moitié de son royaume. Le tailleur accepte les épreuves et utilise la ruse pour trouver une solution à chaque situation en faisant preuve de courage.

Après les succès du tailleur, le roi tient sa promesse et lui donne sa fille en mariage. Cependant, une dernière épreuve attend le tailleur et réussi toujours par sa bienveillance et son intelligence de se sortir dans une situation difficile.

L'épreuve n'est pas une fatalité, elle a une durée limitée, et l'intelligence pratique qui se définit par l'analyse de la situation et trouver une réponse adaptée nous offre une victoire éclatante.

L'endurance, une qualité nécessaire : Cendrillon, Perrault

« Le Prince la suivit, mais il ne put l'attraper ; elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre, que le Prince ramassa bien soigneusement. »

Cendrillon retrace l'histoire d'une jeune femme qui vit avec ses deux demi-sœurs dans une maison gouvernée par sa belle-mère. Cendrillon était chargée de toutes les activités pénibles de la maison, et les moqueries de ses demi-sœurs et sa belle-mère rendaient son quotidien encore plus difficile. Un jour, un bal a été annoncé pour tous les habitants du royaume, mais Cendrillon par rapport à ses deux demi-sœurs n'avait aucune tenue correcte à se mettre. C'est à ce moment-là que sa marraine apparaît pour lui offrir une robe et tout le nécessaire pour se rendre au bal grâce à la magie. Cependant, Cendrillon doit retourner chez elle avant minuit. Dans la version de Perrault, il y a deux bals, et c'est dans le second que Cendrillon va perdre sa pantoufle de verre et que le Prince, déterminé et amoureux décide de la retrouver à travers tout le royaume grâce à cet unique indice. Après que toutes les jeunes filles ont tenté leur chance en essayant d'être propriétaire de la pantoufle en verre, mais, c'est seulement Cendrillon qui a pu rentrer ses pieds dans la pantoufle sans peine. Ainsi, le Prince découvrit qui était l'élu de son cœur et son Cendrillon quitta son foyer pour vivre dans un monde à la hauteur de sa bonté du cœur.

Cendrillon se montre patiente et endurante face à la situation difficile dans laquelle elle se trouve. Mais loin d'être inactive, elle reste disponible, utile, bénéfique au sein de son foyer. Malgré la méchanceté de ses demi sœurs et sa belle-mère elle ne répond pas par le mal, ainsi sa bienveillance et sa gentillesse restent intactes. Même quand elle retrouve ses deux demi-sœurs au bal, elle se montre douce envers elles. Par son intelligence, Cendrillon ne se laisse pas influencer par la méchanceté, et garde malgré la difficulté, une innocence et pureté d'âme. Le bal et le Prince représentent pour Cendrillon une opportunité pour s'élever et quitter la situation injuste dans laquelle elle se trouve. Loin d'être une femme faible qui a besoin d'un secours d'un homme, mais elle utilise l'opportunité que la vie lui offre pour s'épanouir.

La valeur du vivant : Le Rossignol et L'Empereur, Andersen

« J'aime ton cœur plus que ta couronne, même si la couronne a comme une odeur de sainteté autour d'elle. Je reviendrai et chanterai pour toi ! »

Le Rossignol et l'Empereur est un conte d'Andersen qui se déroule en Chine où un rossignol au chant fabuleux se met au service de l'Empereur. Émerveillé par son talent, l'Empereur décide de l'enfermer dans une cage dorée en le privant de sa liberté afin de le garder auprès de lui pour toujours. Un jour, un oiseau mécanique orné de diamants et de saphirs lui est offert par l'empereur du Japon qui le remplace par le « vrai » rossignol. Ainsi, le rossignol finit par rejoindre son habitat naturel en quittant le palais. Des années passent et l'Empereur se contente d'un oiseau mécanique, mais ce dernier finit par se casser et ne peut plus être réparé. Sur son lit de mort, l'Empereur tombe dans un profond chagrin regrette le rossignol d'autrefois, le vrai, le vivant qui a le chant le plus beau. Le rossignol finit par retrouver l'Empereur et chante pour lui, cependant, cette fois-ci, le rossignol peut chanter quand il veut et garde sa liberté, de plus personne ne doit connaître leur lien. Ce retour du rossignol, cette réconciliation entre ces deux amis permet à l'Empereur de se remettre sur pied et de retrouver sa santé d'autrefois.

Loin d'être une simple histoire pour enfants, ce conte renferme de nombreuses sagesses ! Tout d'abord, on remarque que rien ne remplace les choses authentiques et vivantes. Même si l'Empereur remplace le rossignol par un oiseau mécanique, l'effet sonore n'est pas exactement le même. Le matériel ne remplacera jamais la valeur d'une personne. En lisant le conte, on distingue les hautes qualités du rossignol dont l'humilité, bien que l'Empereur fasse preuve d'égocentrisme en le privant de sa liberté et d'ingratitude en le chassant, il reste à l'écoute de l'Empereur et il se montre présent et compréhensif.

En général, ce conte nous fait réfléchir sur notre relation qu'on peut avoir avec les gens qui nous entourent et plus précisément ceux qu'on aime. Par exemple, on a tendance à privilégier nos téléphones que la présence d'une personne qu'on aime ou se montrer égocentrique en voulant la garder près de nous alors qu'elle a besoin de garder sa liberté ainsi que son autonomie malgré l'amour qu'on lui porte.

La bienséance, une force sans limites : La belle et la Bête, Jeanne Marie Leprince de Beaumont

« Puisque vous avez la bonté de penser à moi, dit-elle, je vous prie de m'apporter une rose, car on n'en trouve point ici. »

La Belle et la Bête, retrace l'histoire d'un riche marchand ayant trois filles et trois garçons qui fait faillite et se voit obligé de s'installer à la campagne isolée de la ville. Un jour, en se rendant à la ville, il se perd en forêt et se voit forcé de passer la nuit dans un château isolé. Le lendemain matin en reprenant son chemin, il remarque plusieurs roses dont le jardin et se souvient que sa fille Belle lui a demandé une rose. Mais, dès qu'il cueillit la rose une Bête horrible survient et le condamne à mort, cependant, il lui a laissé le choix de donner une de ses filles en échange de lui laisser la vie sauve. Accablé par la tristesse, le père raconte ses aventures à ses enfants et Belle décide d'assumer sa responsabilité et de prendre la place de son père. En se rendant au château, Belle rencontre la Bête qui ce dernier tombe immédiatement sur son charme. Il décide de tout lui donner, sauf sa liberté. Cependant, un jour Belle tombe sur un miroir magique qui lui permet de voir l'état de son père et demande à la Bête l'autorisation de rendre visite à son père pour huit jours, son souhait lui est accordé. Pourtant, au lieu de rester huit jours, elle reste dix jours à cause de ses sœurs qui l'empêchent de repartir, cette absence provoqua chez la Bête un grand chagrin, prise de culpabilité Belle décide d'accepter la demande de mariage de la Bête. À Cet instant, la Bête se transforma en un beau prince et son sortilège fut brisé. La Belle et la Bête vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

L'analyse du conte nous peint un ensemble de valeurs à acquérir. Tout d'abord, le personnage principal Belle est une jeune femme d'une grande beauté, mais aussi d'une grande simplicité qui fait tout son charme, loin de l'extravagance de ses sœurs, elle fait preuve d'une grande humilité. Sa douceur et son sens de la famille en prenant la place de son père nous laissent réfléchir sur la valeur de la famille et son importance dans notre vie. Concernant la Bête, il est loin d'être un personnage méchant, les apparences sont parfois trompeuses, la description d'une personne ne doit pas s'arrêter à une description extérieure et superficielle. La bonté de la Bête envers Belle renferme une beauté intérieure, une beauté du cœur, seules les personnes douées d'intelligence émotionnelle sont capables de voir.

Ce conte nous permet également de méditer sur notre relation à l'argent en effet, les deux sœurs de Belle se montrent avides d'argent et tombent dans la plus grande médiocrité. Malgré les biens que l'argent peut nous offrir, l'amour ne s'achète pas.

Chahrazad Melouka