Lumière sur la peinture algérienne : Baya Mahieddine

02/01/2023

L'art pictural est un monde à part qui, quand il est bien analysé, il nous fait découvrir un autre monde et réveil en nous une sensibilité profonde. Les œuvres d'art en général ne sont pas justes un travail d'un artiste, mais c'est un héritage complet d'une vie vécue, des émotions ressenties et d'une imagination partagée.

Dans cet article, nous allons faire la connaissance d'une artiste algérienne parfois méconnue en Occident, mais qui a su par son authenticité marquer tout esprit qui a osé jeter un œil à ses œuvres. 

Une étoile naissante 

De son vrai nom Fatma Haddad, née en 1931 à Borj Kiffan à l'est d'Alger, elle devient orpheline à l'âge de 5 ans. Prise en charge par sa grand-mère, elle devient domestique à l'âge de 11 ans où Marguerite Caminat, sœur de la propriétaire de la ferme, est attirée par le talent inné de l'artiste. Très vite, Marguerite Caminat devient sa protectrice en prenant en charge son éducation en lui apprenant à lire et à écrire, et l'encourage à peindre et à modeler.

En voyant le potentiel de Baya, Marguerite utilise ses relations dans le monde artistique et culturel pour diffuser ses œuvres. Tout d'abord, à son amie sculpteur Jean Peyrissac, qui présente les œuvres de la jeune Baya à son mécène et galeriste Aimé Maeght. Suite à la découverte de l'art de Baya, Aimé Maeght organise une exposition pour faire découvrir l'artiste dans sa galerie parisienne. Le catalogue de l'exposition est préfacé par l'écrivain André Breton, qui écrit :

« Je parle, non comme tant d'autres pour déplorer une fin mais pour promouvoir un début et sur ce début Baya est reine. Le début d'un âge d'émancipation et de concorde, en rupture radicale avec le précédent et dont un des principaux leviers soit pour l'homme l'imprégnation systématique, toujours plus grande, de la nature. »

Seulement âgée de seize ans, Baya se rend à Paris où son exposition a eu un succès flamboyant, le magazine Vogue n'hésite pas à consacrer un article sur la jeune artiste. Pendant son séjour à Paris, Baya rencontre de nombreux artistes dont Georges Braque mais, surtout Picasso, où elle le rencontre au sud de la France quand elle travaillait dans l'atelier Madoura. 

Un retour éclatant

En exposant en Algérie et en France, elle réussit à acquérir une notoriété. Cependant, vers les années 1950, elle épouse le chanteur El Hadj Mahieddine Mahfoud et consacre entièrement son temps à sa vie de famille. Cette union marquera une pause de dix ans dans la vie artistique de Baya.

En 1963, après l'indépendance de l'Algérie, ses amis l'incitent à se reprendre son travail artistique. En reprenant sa carrière, elle élargit les formats de ses toiles et ajoute des figures féminines, des fleurs, des oiseaux et des objets du quotidien comme des meubles. Ainsi, en 1963 elle expose ses œuvres au musée des Beaux-Arts d'Alger, puis l'année suivante, elle participe à l'exposition Peintres algériens au Musée des Arts Décoratifs à Paris. Sa renommée prend de l'ampleur en exposant ses œuvres au Maghreb, en Europe, Cuba, et même au Japon.

C'est à partir des années 1980, que Baya est placée avec Aksouh, Benanteur, Guermaz, Issiakhem, Bel Bahar, Khadda et Mesli parmi les artistes de la génération de 1930 qui ont été les fondateurs de l'art pictural algérien moderne.

Baya meurt en 1998 à Blida en laissant derrière tout un patrimoine artistique qui influencera de nombreux jeunes artistes.

Analyse de son art 

L'art de Baya s'inscrit dans un mouvement artistique appelé l'art naïf qui se définit par l'absence des règles de la perspective sur les dimensions, l'intensité de la couleur et la précision du dessin. Loin de paraître médiocre, l'art naïf renferme une grande richesse et une large précision. Très souvent, on enferme les œuvres de Baya dans ce type d'art, mais en réalité ses œuvres dépassent ce cadre, puisqu'à travers ses toiles elle inscrit toute une culture, dont la culture algérienne et toute une histoire, une histoire universelle.

Les œuvres de Baya représentent une vaste diversité et une imagination sans limites ! On retrouve des figures féminines, des oiseaux, des paysages avec une palette de couleurs vives avec une dominance de rose, de bleu, d'orange, de bleu et d'orange. Les personnages qu'elle peint sont exclusivement féminins ressemblant à des hautes dames, en réalité ces personnages féminins sont un témoignage d'amour pour sa mère, elle dit :

« J'ai perdu ma mère quand j'étais petite. Et toutes les femmes que vous voyez dans mes peintures, ce sont des portraits que je fais de ma mère. Elle me manque tant. »

Loin de ressembler à des dessins d'enfants, les œuvres de Baya démontrent une grande maîtrise de la couleur qui nous hypnotise par leurs nuances. Les formes ondulées de ces dessins rendent ses œuvres chaleureuses en mettant en avant un sentiment de familiarité.

Personnellement, quand je regarde les œuvres de Baya, un sentiment d'optimisme profond surgit en moi, mes pensées se mettent à se réveiller et mon imagination prend de l'ampleur.


Chahrazad Melouka

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