Nutrition émotionnelle, quand on mange ses émotions

11/09/2023

Le fait de manger répond à un besoin physiologique de base. Lorsque le corps envoie des signaux de faim, l'individu doit répondre à ce signal par une prise alimentaire dans un délai précis. La faim est donc un signe de déséquilibre homéostatique. Lorsque la personne répond à ce signal, les sensations de satiété apparaissent, signe que le besoin est rétabli. Cependant, dans certains cas, la prise alimentaire ne trouve pas toujours son origine dans la faim, elle peut être motivée par des émotions comme le stress, l'ennui ou encore la déception. Dans ce cas, on « mange ses émotions ». En d'autres termes, manger ses émotions est l'utilisation de la nourriture dans le but d'apaiser ou d'anesthésier une émotion afin d'apporter un réconfort en l'absence de faim physique.

Dans cet article, nous verrons l'origine de l'alimentation émotionnelle ainsi que les conséquences qui peuvent en découler.

Lien entre émotion et nutrition

Le lien entre l'émotion et la nutrition apparaît dès la naissance. D'après les études effectuées par Matty Chiva, le goût et l'affect se développent ensemble dès la mise au sein du nourrisson. Si le sentiment de sécurité et d'appétit est comblé par le lait maternel, cela va tisser le premier lien que l'on appellera amour. Par analogie, on peut dire que la nourriture donne lieu à une des toutes premières émotions. Dans l'alimentation, les émotions vont être dominées par le goût et le plaisir. Les premières perceptions gustatives et olfactives chez le nourrisson, partie intrinsèque de son système sensoriel, ont donc une dimension affective importante.

Toujours selon Matty Chiva, le plaisir et le goût gustatif sont à l'origine d'une sensation qui se traduit par un message sensoriel, une fois interprété, il donne lieu à une émotion sous trois dimensions :

- La perception du goût de l'aliment et les aptitudes sensorielles,

- Le plaisir, ou le désagrément donné par l'aliment,

- Ce que l'on pense de l'aliment c'est-à-dire ses vertus, qualités, dangers…

On s'aperçoit que la première chose qui nous pousse à manger est la survie. Cette démarche est tout à fait normale. Cependant, la survie n'est pas la seule à intervenir dans la prise alimentaire. Plus tard, quand l'individu devient autonome dans sa prise alimentaire, il y aura des critères autres que la faim qui le pousseront à se nourrir. Par exemple, il y a la nourriture « récompense » qui vient récompenser l'individu pour avoir effectué une tâche, c'est le cas des enfants par exemple : « si tu es sage, je te donne un gâteau », il y a aussi la nourriture « réconfortante » qui vient apporter un certain bien-être à un instant t. 

Le bonheur dans l'assiette ?

On remarque chez les personnes anxieuses ou déprimées une consommation particulière de glucide afin d'apporter un certain plaisir. Ce plaisir va entraîner un bien-être immédiat déclenché par le tryptophane, un acide aminé, qui participe à la synthèse de la sérotonine qui aura ce bien-être ressenti.

Mais concrètement, comment ça se traduit ?

Tout d'abord, la prise alimentaire des glucides va favoriser la sécrétion d'une hormone appelée l'insuline par le pancréas. Cette hormone favorise la constitution de réserves par l'organisme et permet l'entrée du glucose et des acides aminés dans les cellules afin de constituer des réserves graisseuses. Dans ce cas, l'acide aminé qui nous intéresse est le tryptophane qui participe entre autres à la synthèse de la sérotonine et donc de la sensation de bien-être qui va suivre. Cependant, ce mécanisme a des inconvénients :

  • Le bien-être ressenti est court,
  • Épuisement rapide de tryptophane qui crée l'état de manque,
  • Obésité, surpoids, diabète, car on a le besoin de manger encore plus de glucides.

Vous l'avez compris, manger ses émotions n'est pas le moyen le plus efficace pour gérer et exprimer ses émotions.

Cesser de manger ses émotions

Notons que, le fait de manger ses émotions en soi n'est pas quelque chose de grave. Cependant, ça devient dangereux quand on devient dépendant à un  type précis d'aliment, et quand cette alimentation est associée à un déplaisir ou à une douleur impliquant l'absence du sentiment de bien-être . Cette mauvaise prise alimentaire, ou l'excès de nourriture peut dans certains cas devenir pathologique en entraînant des troubles alimentaires à long terme.

Dans le cas où on ne serait pas dans une situation pathologique, on peut prendre du recul sur notre prise alimentaire pour éviter de manger ses émotions par ces méthodes suivantes :

  • Analysez votre type de faim : l'alimentation émotionnelle n'est pas une faim physiologique mais psychologique. Posez-vous les questions suivantes : « Ai-je faim ou je suis dans un état de gourmandise ? », « Quelle émotion je ressens tout de suite ? ». Prenez le temps d'accueillir cette émotion et de l'accepter.

  • Anticipez les déclencheurs de votre alimentation émotionnelle : analysez votre humeur, vos émotions vos ressentis avant de commencer à manger. Prendre un temps de réfléchir permet d'éviter un comportement impulsif, même si vous allez quand même manger vos émotions, vous n'allez pas tomber dans l'excès.
  • Remplacer la prise alimentaire par un autre comportement : faire autre chose pour remplacer le fait de manger ses émotions. Faites par exemple, une liste de ce que vous voulez faire, les endroits où vous pouvez aller, les personnes vers qui vous pouvez vous confier, etc.
  • Trouver un équilibre entre plaisir/santé : il ne s'agit pas de supprimer toutes ses envies alimentaires, mais savoir profiter de la nourriture et ne pas adopter un comportement impulsif.
  • Ne pas culpabiliser : le fait de culpabiliser va renforcer votre mal-être et vous décourager de vous améliorer dans votre prise alimentaire, c'est un cercle vicieux qui vous empêche de se prendre en main.

On retient que, manger ses émotions ne relève pas de la faim, mais d'une émotion ressentie qui nous pousse à se nourrir. Ce mécanisme n'est pas toxique, mais devient problématique quand c'est récurrent. Ainsi, savoir analyser ses émotions et s'éduquer sur son alimentation est le meilleur moyen de développer avec le temps une prise alimentaire saine.

Cet article ne se substitue pas à des conseils nutritionnels personnels.


Chahrazad Melouka

Sources : 

  • Comment le cerveau gère notre appétit, CNRS Le journal, 2021 :

https://lejournal.cnrs.fr/articles/comment-le-cerveau-gere-notre-appetit 

  • Quelle est la relation entre alimentation et émotions ?, Psycologue.net, 2019 : 

https://www.psychologue.net/articles/la-relation-entre-alimentation-et-emotions

  • Manger ses émotions ou hyperphagie boulimique ? :

https://anebquebec.com/troubles-alimentaires/hyperphagieboulimique

https://www.notes-de-coeur.fr